Julian Rachlin, Family & Friends: aimez-vous Brahms ?
A quoi bon contempler d’antiques images ?
Les œuvres devraient suffire ; elles chantent, résonnent, et en elles, qui vivent, transparait la vérité de celui qui les fit naître plus sûrement que dans l’agencement de ses traits. Et pourtant ! Les quelques portraits qu’il reste de Brahms laissent songeur. Marie Schumann, l’une des filles de Robert et Clara, trouvait à ce garçon venu de Hambourg quelque chose d’un « ange blond », lorsqu’il demeurait chez eux – il avait vingt ans. On la comprend. Une photographie conserve le souvenir de cet âge tendre ; on y voit un gracieux jeune homme dont la tête dorée s’appuie rêveusement contre sa main. A l’autre extrémité de sa vie, l’ex-ange ferait plutôt penser à un prophète farouche – le visage mangé par une longue barbe, la bouche serrée, le regard perçant.
Entre l’un et l’autre, qui pourtant sont le même, quelques années – quelques œuvres.
Brahms sera à l’honneur, jeudi 30 août, grâce à l’immense Julian Rachlin. Accompagné de ses proches, de ses amis, le violoniste interprètera le deuxième sextuor du compositeur allemand, ainsi que le scherzo de la sonate FAE. Chronologiquement, ces deux œuvres appartiendraient plutôt au garçon radieux de la première photographie. Mais, à bien les écouter, ne seraient-elles pas plus légitimes sous la plume du prophétique vieillard ? Non qu’elles manquent d’énergie, de jeunesse ou de joie – au contraire – mais y affleurent, discrètement, une certaine gravité, une profondeur, une exigence. Alors, voix angélique, voix prophétique, ou surprenante métamorphose de l’une en l’autre ? Après tout, venez, et jugez-en vous-même; mais peut-être, n’est-ce, flottant de l’une à l’autre, qu’une voix très humaine, tout simplement.
A quoi bon contempler d’antiques images ?... |